Spoken Words - Grève des femmes
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Spoken Word
Grève des femmes
On m’a demandé d’écrire un Spoken Word à lire ici
La vérité c’est que j’aimerais bien ne pas être là aujourd’hui
De ne pas avoir à dire des évidences établies
De ne pas avoir à se réunir entre filles
Pour dénoncer nos droits anéantis
Mais militer c’est répéter
Militer c’est scander
Militer c’est ne jamais s’arrêter
Car les batailles qu’on croit avoir gagné
Ne sont que des étapes vers un peu plus d’égalité
La liberté les yeux fermés, ce n’est même pas la peine d’y penser
La liberté on la prend le poing levé et les yeux écarquillés
La bouche grande ouverte et en état d’alerte
Quand on comprend que rien n’est gagné
C’est là qu’on lève la tête avec fierté
On voudrait que l’on soit en colère mais gentiment
Qu’on soit énervées mais poliment
Qu’on soit fâchées mais tout doucement
Les fémi-nazies ça fait beaucoup trop de bruit
Les pantoufles, c’est vrai, ce n’est pas très bruyants
Mais ce n’est pas avec elles qu’on fait la révolution
Le féminisme c’est la radicalité
La définition n’est pourtant pas très compliquée
C’est un combat pour la parité
C’est refuser que les femmes soient sous-traitées
Et tout faire pour que cela soit du passé
Moi je viens de Corse, une île qu’on dit de beauté
Mais surtout l’île toujours révoltée où pour parler, il faut gueuler
L’île où la ténacité est célébrée, la soumission boycottée
Ce n’est donc pas demain la veille que je vais la fermer
Je suis aussi afro-descendante, et ça croyez-moi, c’est compliqué
Ni assez blanche ni assez noire, je suis surtout racisée
Discriminée pour plusieurs de mes identités
Mise de côté car pas assez occidentalisée
Mais c’est ok, car cela fait de moi une personne sacrément racée
Qui dans sa lutte, croit fort en l’intersectionnalité
Les systèmes d’oppression me transpercent de tous les côtés
Mais c’est un sacré moteur pour avancer
On m’a demandé d’écrire un texte à lire ici
La vérité c’est que j’aimerais bien ne pas être là aujourd’hui
Mais regardez-vous ? Regardez-nous ?
Belles, plurielles, insolentes, insoumises, déterminées…
Il y a des gens qui vont rager, il y a des Fernands qui vont râler
Mais au final, perso, je n’en ai rien à cirer
A la Chambre des députés, elles ne sont que 19 sur 60 à nous représenter
Mais dans la rue, dans les entreprises, dans les associations on est des milliers
On nous considère comme une minorité
De celle qui pour avoir des droits doit militer
Mais on est la moitié
Sans nous, la société est stoppée
Et plus jamais on ne se laissera marcher sur les pieds
On m’a demandé d’écrire un Spoken Word à lire ici
Car oui, il faut parler, car dire c’est dénoncer, dire c’est assumer
Féminicide, violences sexistes, viol, menstruations, clitoris, vagin, charge mentale, harcèlement de rue, IVG, sous-représentativité… Toutes nos vérités n’ont pas besoin d’être validées
On m’a demandé d’écrire un Spoken Word à lire ici
Moi je vous demande aujourd’hui d’en dire. Des Spokens Words à n’en plus finir !
A vos patrons, à vos amants, à vos amis, à vos garçons, à vos filles…
Posez des mots sur nos réalités et faites-nous exister !
Fatima Rougi est une féministe têtue, amoureuse de vêtements vintage et ancienne journaliste. Active aujourd'hui à la communication de la Kulturfabrik, elle est militante au Planning Familial. Née au Maroc, elle a grandi en Corse et a fait des études d'histoire et de journalisme en France. Elle vit au Luxembourg depuis 2011. A l'adolescence, écrire a été sa thérapie, sa façon de se construire et de se trouver. Depuis, elle continue à écrire. Des textes souvent personnels qui parlent d’immigration et de quête identitaire. Ce Spoken Word a été écrit et lu à l’occasion de la Grève desFemmes du 8 mars 2021,Luxembourg.