25 ans de ménage… Témoignage

Mirlene Fonseca Monteiro
Dignité
Travail

Pendant pratiquement toute sa vie, Hélène[1] a travaillé en tant que femme de ménage au Grand-Duché du Luxembourg. Reconnaissante d’avoir eu un travail qui lui aura permis de vivre convenablement et de subvenir aux besoins de ses 3 enfants, elle ne nie cependant pas que ce soit un travail difficile. 

« C’est un travail difficile, si pas un travail des plus difficiles. Tu dois te baisser, faire la poussière partout, nettoyer les fenêtres, frotter des sols… C’est un travail où tu n’as pas de répit, tu ne t’arrêtes pas. Tu as un temps bien précis pour faire toutes les tâches demandées. De tous les emplois que j’ai eus dans ma vie, je trouve que c’est le travail le plus difficile. » 

Hormis la cadence très difficile à tenir, Hélène insiste beaucoup sur les conséquences physiques qu’elle-même a pu remarquer suite à toutes ces années de ménage.  

Pour moi qui ai fait ça toute ma vie, je peux te dire que je suis KO. Mon corps est détruit. Parfois je me baisse et je n’arrive pas à me relever, alors que j’ai à peine 50 ans. Je sais que c’est lié au travail que j’ai fait toutes ces années. Et je sais que mon corps sera détruit pour toujours. Je serai comme ça jusqu’à la fin. » 

Pour elle c’est évident que son corps sera marqué à jamais. Elle ne serait pas la seule personne à arriver à cette conclusion. Beaucoup de ses collègues constatent la même chose après un certain nombre d’années. Le métier qu’elles pratiquent laisse des traces sur leurs corps. Pour certaines de graves problèmes de dos ou de genoux se manifestent après un moment, les menant parfois jusqu’à des opérations. Hélène déplore le fait que l’on n’en parle pas du tout. 

« Les gens n’ont aucune idée du mal qu’on fait à notre corps en faisant ce travail. Parce que c’est ça, on fait souffrir notre corps, tous les jours, non-stop, pendant des années. Et pour certaines c’est pire que pour d’autres. Certaines travaillent dans des conditions horribles. Elles sont physiquement et même psychologiquement poussées à bout. Mais elles continuent, parce qu’elles ont des factures à payer, comme tout le monde. Donc elles continuent et ne disent rien. De toute façon qu’est-ce qu’elles vont dire ? À qui elles vont parler ? C'est qui qui va prendre au sérieux une femme de ménage ? »

Pourquoi est-ce que l’on ne prendrait pas une femme de ménage au sérieux ? Hélène trouve cette question drôle : 

« Le nom ‘femme de ménage’ veut tout dire, pas besoin d’aller chercher très loin. On part du principe que tu es une femme, qui n’est bonne qu’à faire le ménage, comme si tu ne valais pas plus. C’est pour ça qu’ils ont probablement changé la dénomination du poste. Aujourd’hui on dit femme de charge. Mais ce n’est pas en changeant le nom qu’on va changer la valeur qu’on donne au métier. »

Pour Hélène c’est clair, le métier n’est pas respecté à sa juste valeur. 

« Ça devrait être plus respecté, bien sûr. Les femmes de ménage nettoient les bureaux, les hôpitaux, les crèches, les écoles. Moi j’ai travaillé dans un hôpital par exemple pendant des années. Le bien-être des patients et des professionnels dépend de notre travail. Surtout dans un hôpital, où l’hygiène est primordiale. »

On ne peut donc pas remettre en question l’importance de toutes les personnes qui exercent ce métier. Pourtant c’est ce qui est encore fait. Pour l’interlocutrice, les femmes de ménage sont, en général, considérées comme « inférieures ».


[1] Nom d’emprunt pour respecter l’anonymat de l’interlocutrice

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